Gergy

Gergy



Les deux communes de Gergy et de Verjux étaient séparées pendant la guerre par la ligne de démarcation qui suivait la Saône depuis Chalon-sur-Saône jusqu’à Verdun-sur-le-Doubs.

Pour traverser la ligne, il fallait emprunter le « pont Boucicaut » enjambant la Saône : un pont construit à la fin du XIXe siècle à l’initiative de Marguerite Guérin-Boucicaut, native de Verjux, bienfaitrice et épouse d’Aristide Boucicaut, propriétaire du « Bon Marché » à Paris. Ce pont, de 5 arches, a été détruit par les Allemands en septembre 1944 pour être reconstruit à la fin des années 1950.

Gergy était en zone occupée (gauche de la carte postale) et Verjux en zone non occupée (droite de la carte postale).

©ADSL 6Fi1884
©ADSL 6Fi1884

©Documentaire « La ligne de démarcation en Saône-et-Loire » de Jean-Michel Dury et Sébastien Joly, 2010
©Documentaire « La ligne de démarcation en Saône-et-Loire » de Jean-Michel Dury et Sébastien Joly, 2010

Reconstitution d'un passage à la ligne de démarcation tirée du film documentaire "La ligne de démarcation en Saône-et-Loire" de Jean-Michel Dury et Sébastien Joly

Pendant l’avancée des Allemands en mai 1940, nous quittons Paris pendant l’exode pour rejoindre une maison de famille à Verjux. Courant juin, nous devons loger un officier allemand à la maison, heureux de sa victoire rapide sur les Français. Fin juin, des enfants couraient dans les rues du village en criant : "le Pont Boucicaut est coupé, y’a des Boches…"
Je suis allée récupérer mon Ausweis à la Kommandantur de Chalon. Il fallait une raison pour franchir la ligne : j’ai donc dit que j’étais couturière et que mes clientes étaient en zone occupée à Gergy… Les soldats allemands, placés à l’entrée du pont côté Gergy, surveillaient et fouillaient parfois. L’un d’eux, que je surnommais le Grand Albert, parlait un peu le français car sa mère était alsacienne. Il fallait éviter de passer le mardi, jour de marché, car les fouilles étaient systématiques et ce jour-là des femmes allemandes venaient en renfort pour vérifier les femmes. Je passais du courrier clandestin caché dans les sacoches de mon vélo, j’ai toujours échappé aux fouilles, heureusement !

Témoignage de Raymonde Famy, née Genelot, recueilli en 2007 et 2009 par Sébastien Joly


J’étais agriculteur à Bougerot sur la commune de Gergy dans une ferme située à 500 mètres de la Saône. J’ai aidé des prisonniers de guerre évadés à franchir la ligne. Je les accompagnais en barque jusqu’à l’autre rive en zone libre. Je n’ai jamais reçu un centime des passages alors que j’hébergeais et je nourrissais les personnes souhaitant passer. Pour éviter les patrouilles, il fallait surveiller les bords de la rivière à la jumelle et repérer les éventuels guetteurs allemands puis on se rendait par groupe de 4 maximum jusqu’à l’endroit où j’avais camouflé ma barque au kilomètre 154 du bord de Saône

Retranscription du témoignage de Lucien Virot recueilli en 1994 par Thierry Bonnot

©Archive Thierry Bonnot
©Archive Thierry Bonnot

Croquis-archive de Thierry Bonnot sur le passage de Lucien Virot


©Collection Famille Famy
©Collection Famille Famy

Jacques Godfer et Raymonde Famy

©Sébastien Joly
©Sébastien Joly

Raymonde Famy sur le lieu du passage en 2009

En juillet 1942, je suis contactée par deux de mes amis d’enfance juifs parisiens : Jacques 20 ans et Lilette 16 ans qui avaient échappé à la rafle du Vel d’Hiv à Paris. Ils n’étaient plus en sécurité et souhaitaient gagner la zone libre. Ils sont arrivés par train jusqu’à Chalon puis ont marché jusqu’à Gergy où je les ai réceptionnés. Je les ai conduits au Grand gravier, dans un coude de la Saône, non visible des Allemands postés sur le pont. Jacques et Lilette étaient de très bons nageurs à Paris, il suffisait alors de traverser la Saône à la nage pour gagner l’autre rivage et la zone libre. Lilette s’élance la première puis Jacques la suit mais il coule à pic, victime d’hydrocution, et se noie. Lilette parvient difficilement à gagner l’autre rivage où l’attend Paul, mon mari. J’ai dû récupérer les affaires de Jacques et Lilette que j’ai mises dans mes sacoches puis traverser le pont en franchissant la barrière allemande alors que je tremblais de peur. J’ai retrouvé Lilette à Verjux en zone libre où nous l’avons accompagnée au train. Le corps de Jacques est remonté à la surface quelques jours plus tard mais nous n’avons rien dit par peur de représailles. Il a été enterré comme un inconnu au cimetière

Témoignage de Raymonde Famy, née Genelot, recueilli en 2007 et 2009 par Sébastien Joly

©Raymonde Famy
©Raymonde Famy

64 ans après, Lilette, qui a survécu à la guerre, revient à Gergy pour reconnaitre les lieux de son passage et retrouve son amie d’enfance Raymonde qui a déménagé de l’autre côté du pont ! Les retrouvailles sont intenses et les souvenirs indélébiles.

Inauguration

Dans le cadre d’un parcours mémoriel départemental, le 25 mars 2023, l’Association des Combattants Volontaires de la Résistance (CVR) de Saône-et-Loire inaugurait un pupitre explicatif et un poteau gravé sous le pont Boucicaut, sur la voie bleue, à quelques mètres de l’ancienne barrière allemande

©Sébastien Joly
©Sébastien Joly

Allocution de Nathalie Damy, conseillère départementale

©Sébastien Joly
©Sébastien Joly

Poteau et pupitre devant le Pont Boucicaut

©Annie Dufy
©Annie Dufy

Intervention de Marie Mercier, sénatrice

©Annie Dufy
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Allocution de Thomas Brugger, directeur ONaCVG 71

©Annie Dufy
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Raymonde Famy et Sébastien Joly devant le pupitre inauguré

©Annie Dufy
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Photo souvenir avec élus, enfants et Raymonde Famy

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