Cersot

Cersot



En 1940, j’habitais à Cersot au Mâconnais sur la route de Lanzy, j’avais 13 ans et notre ferme était en zone occupée mais la ligne passait seulement à quelques mètres. Une barrière allemande était placée sur le chemin et une pancarte « Ligne de démarcation » était plantée 100 mètres avant le poste. Les Allemands nous narguaient souvent avec de la nourriture, ils montraient qu’ils étaient les maitres. Ils étaient plutôt sympathiques avec nous car on les voyait tous les jours. On n’avait pas peur et je parlais même quelques mots d’allemand !

Témoignage de Bernard Gonnot, recueilli en 2007, par Sébastien Joly

©Collection Famille Gonnot
©Collection Famille Gonnot

Ferme de la famille Gonnot à deux pas de la ligne à Cersot


Mon père a rencontré un jour dans les prés un Sénégalais, prisonnier de guerre évadé, qui voulait passer la ligne pour rejoindre la zone libre. Il lui a alors indiqué le chemin à suivre. Mon père conseillait souvent des gens pour passer. Mon oncle était prisonnier de guerre en Allemagne où il a réussi à s’échapper. Un soir, un vieux voisin me dit : « T’as des bêtes de sorties ! ». C’était un message codé pour que les Allemands ne comprennent pas… Avec un bâton, me voilà parti dans les prés où je rencontre mon oncle ! Il n’avait pas peur des Boches et voulait même leur couper la tête ! J’ai réussi à le faire passer par un chemin où il a rejoint la maison de mes grands-parents à Saint-Vallerin en zone libre

Témoignage de Bernard Gonnot, recueilli en 2007, par Sébastien Joly


©Collection Famille Bonzon
©Collection Famille Bonzon

Ancienne pancarte du poste du Mâconnais à Cersot

En 1940, j’avais 19 ans, mon père était maire de la commune et nous habitions au dessus de l’école. Après l’arrivée des Allemands fin juin, nous avons dû en loger dans l’école, les côtoyant ainsi tous les jours… Ils avaient installé une barrière avec guérite en bas du village après le lavoir. Nous étions alors des frontaliers, des habitants à proximité de la ligne de démarcation. A ce titre, nous pouvions circuler dans un périmètre proche avec laissez-passer pour exploiter les terres

Témoignage de Paul Berthault, recueilli en 2007, par Sébastien Joly

Un drame sur la commune

Un jour, ma mère, secrétaire de mairie, a entendu des coups de feu. Elle a alors vu une silhouette partir en courant le long de la rivière au nord. Les Allemands avaient tiré sur un groupe de Belges juifs et le passeur avait fui… Ma mère a pu s’approcher du lieu et a pu appeler un taxi-ambulance pour transporter la fillette atteinte au visage

Témoignage de Paul Berthault, recueilli en 2007, par Sébastien Joly

Une fois, j’ai vu une gamine tuée dans les bras de ses parents en traversant la ligne. Les Allemands en patrouille leur ont tiré dessus, c’était à 300 mètres de notre ferme

Témoignage de Bernard Gonnot, recueilli en 2007, par Sébastien Joly


Le 20 août 1942, vers 18 heures, un groupe de personnes est aperçu par la sentinelle allemande sur un chemin menant de Saint-Hélène à Sassangy, à proximité de la ligne de démarcation. A l’entrée nord de Cersot aux Guenins, chemin du Rivon, la patrouille en vélo tombe sur le groupe et demande l’arrêt en criant : « Halt ! Stopp ! Grenzbeamente ! » (Halt, Stop, agents douaniers). Le groupe fait demi-tour et commence à prendre la fuite. L’un des douaniers tire alors, pensant viser sur le passeur qui réussit à s’échapper, mais touche au visage une fillette juive de deux ans, Esther Grunberger, dans les bras de son père. Les clandestins se jettent à terre. Le groupe est alors composé de 14 personnes juives venant de Belgique : 4 enfants, 6 femmes et 4 hommes. Un médecin avec ambulance est dépêché sur place et transporte la fillette à l’hôpital de Chalon-sur-Saône accompagnée de sa mère. L’acte de décès est alors établi à Chalon.

©Archives générales du Royaume (AGR) de Belgique, Dossiers de la Police des Etrangers
©Archives générales du Royaume (AGR) de Belgique, Dossiers de la Police des Etrangers

Mojzesz Grunberger

©Archives générales du Royaume (AGR) de Belgique, Dossiers de la Police des Etrangers
©Archives générales du Royaume (AGR) de Belgique, Dossiers de la Police des Etrangers

Chaya Vachsstock

Les 13 clandestins survivants sont tous arrêtés dont Chaya Vachsstock et Mojzesz Grunberger, parents d’origine polonaise de Esther Grunberger, tuée par la patrouille allemande à Cersot, puis emprisonnés à Chalon-sur-Saône. En date du 29 août 1942, ils sont conduits par train à Drancy, camp d’internement parisien puis déportés le 31 août par le convoi 26 direction Auschwitz-Birkenau en Pologne. Les parents d’Esther ne survivent pas à l’enfer des camps (d’après le rapport du 21.8.1942 [Bundesarchiv Berlin (BAB), R2/25271/4]).

L’acte de décès de la petite Esther Grunberger, enregistré à Chalon-sur-Saône, mentionne une erreur d’orthographe dans son nom de famille et ne précise pas les circonstances de sa mort.

Une plaque, en son souvenir, est désormais visible aux Guenins à Cersot sur les lieux du drame.

Inauguration

Dans le cadre d’un parcours mémoriel départemental, le 25 juin 2022, l’Association des Combattants Volontaires de la Résistance (CVR) de Saône-et-Loire inaugurait un pupitre explicatif, sur le parking de la mairie, le long de l’ancien tracé de la ligne de démarcation.

Deux poteaux gravés ont été implantés aux lieux des anciens postes de contrôles allemands de la commune.

Une autre plaque a été apposée en partenariat avec la mairie et la communauté juive de Chalon en hommage à Esther Grunberger, petite juive belge, tuée par la patrouille allemande à Cersot, à l’entrée du chemin des Guenins.

©Sébastien Joly
©Sébastien Joly

Poteau gravé implanté sur la route de Germagny à la sortie de Cersot

©Sébastien Joly
©Sébastien Joly

Plaque souvenir de Esther Grunberger à l’entrée du chemin des Guenins

©Annie Dufy
©Annie Dufy

Inauguration en présence des élus

©Annie Dufy
©Annie Dufy

Allocution du Sous-Préfet de Chalon-sur-Saône

©Dominique Fruhauf
©Dominique Fruhauf

Inauguration du pupitre

©Dominique Fruhauf
©Dominique Fruhauf

Photo souvenir avec les élus et les enfants de la commune devant le pupitre

©Dominique Fruhauf
©Dominique Fruhauf

Lecture d’un poème par les enfants de la commune

Partager sur